Les chiffres de victimes à Gaza ont disparu de l’actualité alors que les morts ne cessent de s’amonceler. Les unEs s’habituent ou sont depuis le départ indifférentEs. Les autres savent que ces informations seules ne peuvent plus transformer l’opinion publique, et encore moins l’action des dirigeants complices.
Rien ne semble pouvoir y faire, malgré 50 000 morts déjà au bas mot, des dizaines de milliers de blesséEs, des familles entières disparues, des hôpitaux détruits et une population déplacée à maintes reprises, affamée, terrorisée, broyée. Ce scandale des scandales ne fait plus événement. Pourtant, le pire est peut-être encore devant nous.
Le maximum de terres avec le minimum d’Arabes
Le gouvernement israélien, à l’initiative du sinistre Smotrich, a récemment endossé une stratégie explicite de conquête coloniale intégrale de Gaza. Ce plan prévoit la destruction complète de Gaza, l’annexion du territoire, l’installation de colonies et l’expulsion massive des PalestinienNEs. Un projet qui relève du nettoyage ethnique pur et simple au sens du droit international, de la déportation massive. Ce projet assumé s’inscrit dans la continuité coloniale du sionisme, fondé sur l’appropriation exclusive de la terre. À quelques jours du 15 mai, la journée de la Nakba, ce plan Smotrich fait écho au plan Daleth qui a orchestré la catastrophe de 1948, avec son lot de massacres, de spoliations et de déplacements forcés, pour nettoyer la zone. De 1948 à 2025, l’objectif est le même : réduire la présence palestinienne du fleuve à la mer.
La famine comme préparatif de l’épuration
La famine organisée est l’instrument de ce plan. Depuis plus de deux mois, plus rien ne rentre à Gaza. Jamais le blocus n’a été aussi impitoyable. Les convois d’aide humanitaire, d’alimentation sont systématiquement bloqués ou bombardés ; les terres agricoles rendues infertiles par les frappes ; les boulangeries et les infrastructures civiles réduites en poussière. Gaza est désormais en proie à une crise humanitaire planifiée. Pour la première fois, on craint le délitement de la société civile gazaouie sous la pression des pénuries. Il s’agit d’une entreprise de déshumanisation méthodique visant à briser jusqu’à la possibilité de résistance. L’objectif n’est pas dissimulé : il s’agit de rendre la vie impossible pour forcer l’exode, d’affamer pour pousser à fuir.
Ici, enfumage et répression
Pendant ce temps, en France, la parole est confisquée. Les voix anticolonialistes sont systématiquement marginalisées. Les soutiens de l’État colonial israélien ont libre antenne, tribunes libres, micros ouverts. À droite, ce sont les apologistes du génocide qui s’expriment à volonté. À gauche, ce sont les voix torturées qui ont la parole, pour dire sur quatre colonnes leur infinie tristesse des dégâts humains tout en défendant Israël et son « droit à se défendre ». Pour mettre au centre du débat la faillite morale d’Israël, pour éviter de parler de structure d’oppression, avec la pseudo-solution à deux États pour éviter d’exiger des droits concrets comme l’égalité des droits et le droit au retour. On pleure une tragédie pour parler de tout sauf de décolonisation et de sanctions pour mettre un coup d’arrêt à l’horreur.
Au lieu d’un sursaut face à la réalité du génocide et à la proclamation ouverte et revendiquée du projet de nettoyage ethnique, les autorités françaises accentuent encore la répression de la solidarité. Après la dissolution de Palestine Vaincra, le projet de dissolution d’Urgence Palestine, les nombreuses procédures pour « apologie du terrorisme », le vote en faveur de la proposition de loi sur l’université visant à museler les mobilisations étudiantes et les voix critiques, tout traduit la volonté de faire taire le soutien au peuple palestinien.
Soutenir le peuple palestinien, c’est refuser le fascisme ici et là-bas
Dans ce contexte, les mobilisations prévues à l’occasion de la journée de la Nakba prennent une importance particulière. Le 17 mai sera un test de résistance face à la fascisation en cours. Il faudra être nombreuxEs, visibles, déterminéEs. Notre devoir est d’enrayer cette machine de mort. D’affirmer que soutenir le peuple palestinien, c’est refuser le fascisme ici et là-bas. De refuser qu’un projet de nettoyage ethnique triomphe dans l’indifférence.
Olivier Lek-Lafferrière